On parle de pollution lumineuse lorsque les éclairages artificiels sont si nombreux et omniprésents qu'ils nuisent à l'obscurité normale et souhaitable de la nuit.
Ainsi, à la tombée de la nuit, d'innombrables sources de lumières artificielles (éclairage urbain, enseignes publicitaires, vitrines de magasins, bureaux allumés en permanence...) prennent le relais du soleil dans les centres urbains jusqu'au plus petit village.
La pollution lumineuse est une forme de pollution assez peu évoquée car à priori peu néfaste pour la santé lorqu'on la compare aux pollutions plus classiques : déchets, smog urbain, eaux souillées....
Les bâtiments brillent dans la nuit masquant complètement les étoiles. Ici, La Défense - Paris
Crédit : notre-planete.info Dès 1830, les responsables de l'éclairage à Paris n'allumait qu'un réverbère sur deux les nuits de clair de lune afin d'économiser l'énergie.
Plus récemment, c'est l'association américaine "Dark Sky" qui, dès 1988, a fait connaître ce phénomène qui s'est amplifié en véritable nuisance. En 1992, dans la « déclaration des droits pour les générations futures » l'UNESCO a consacré un volet spécifique au droit et à la conservation du ciel et de sa pureté.
> Conséquences
Carte de la Terre nocturne qui dévoile la répartition des activités, des richesses et la concentration des populations.
© NASA GSFC
Les conséquences les plus évidentes vont de la simple gène (qui peut tout de même perturber le sommeil dans le cas d'une source lumineuse clignotante dirigée vers une chambre), aux dépenses inutiles d'énergie.
Cependant, quelques études non confirmées mettent en évidence des conséquences probables pour notre santé. A ce titre, selon des chercheurs de l'Université de Toronto (Canada), notre exposition quotidienne à la lumière électrique a considérablement augmenté pour atteindre jusqu'à 7 heures par jour en moyenne, cette exposition prolongée non naturelle constituerait une "pollution par la lumière artificielle" qui seraient un des plus importants facteurs à l'origine de l'augmentation des cancers.
En effet, sous l'effet de la lumière artificielle, l'épiphyse (petite glande située dans le cerveau) diminue nettement la production de mélatonine dont les bienfaits seraient multiples : anti-vieillissement, freine le développement des tumeurs, stabilise la tension, maintient la libido...
De surcroît, les effets sur la faune et la flore sont notables :
La végétation éclairée en permanence dégénère de façon précoce
les oiseaux migrateurs sont gênés
les populations d'insectes nocturnes et pollinisateurs sont décimées (seconde cause de mortalité après les produits phytosanitaires)
Enfin, dans un souci de sécurisation constant et parfois futile, chaque coin de rue est investi d'un réverbère de sorte que nous ne connaissons plus de vrais nuits qui ont pourtant une dimension culturelle importante.
> Un gouffre énergétique
Selon l'ADEME, l'éclairage, en Europe, a un impact conséquent sur l'environnement, puisqu'il représente autour de 40 % des consommations totales d'électricité du secteur tertiaire. Or, produire de l'électricité n'est pas anodin... Sur ce dernier point, les campagnes de publicité d'EDF destinées au grand public mettent tantôt l'accent sur l'économie d'électricité, tantôt sur les mérites du tout électrique, on s'y perd.
En France, les dernières enquêtes nationales notent qu'en 2002, l'éclairage public représente en moyenne 48% de la consommation totale d'électricité des communes, et 40 % des dépenses. Or, l'ADEME estime que les économies sur ce poste peuvent atteindre 20 à 40 % avec des investissements de surcroît rentables.
Enfin, une enquête de la Direction générale des collectivités locales et de l'ADEME note que l'éclairage public représente en France 4% des émissions totales de gaz à effet de serre...
> Quelques chiffres
Lorsque l'on sait :
qu'une simple ampoule est visible à des dizaines de kilomètres
que dans les grandes villes, les milliers de lampes allumées peuvent être perçues à des milliers voire des dizaines de milliers de kilomètres
qu'un américain utilise 75 fois plus d'électricité qu'un Indien, un japonais 30 fois plus et un chinois deux fois plus (d'après Woodruff Sullivan de l'Université de Washnigton, qui a réalisé la première carte de la Terre nocturne vue de satellite),
nous mesurons davantage l'impact de cette pollution.
Les citoyens, via leur éclairage particulier, sont loin d'être les premiers responsables vu le gachis évident des collectivités territoriales (éclairage urbain inadapté ou superflu...) et de nombre d'entreprises (commerces, chaînes de distribution, bureaux...)
> "Villes lumières"
La pollution lumineuse en Europe
Un lampadaire bien conçu devrait éclairer le sol autour de lui, plutôt à un point stratégique où la visibilité pour les automobilistes notamment est nécessaire et non le ciel, un espace vierge ou un endroit inacessible... Tout comme les enseignes lumineuses qui sont trop agressives et n'intéressent que peu les citoyens et les astronomes.
Plus de 30% de l'énergie lumineuse émise sur la Terre éclaire les nuages et illumine le ciel en altitude. C'est ce halos diffus qui dénature la voûte céleste de nos villes les baignant dans une nuit artificielle mauve pâle et qui gêne considérablement l'observation astronomique.
Cette pollution s'ajoute aux conséquences d'une pollution atmosphérique dont les particules masquent parfois considérablement le ciel.
En moins de 50 ans, une grande partie de la population française s'est privée de la beauté de la voie lactée qui n'est plus visible tout comme 90% des étoiles...
Les astrophysiciens et les astronomes amateurs, fortement gênés, dénoncent cette situation. Ainsi, ils se sont regroupés en associations pour aider les maires des communes à diminuer leur éclairage mal adapté avec des réverbères mieux pensés et moins nombreux.
> La Terre brille dans la nuit
Carte de la Terre nocturne : les lumières des agglomérations apparaissent en blanc, les torchères en jaune et les feux de forêts en rouge.
© NASA
L'astronome italien Pierantonio Cinzano a publié il y a quelques années le premier atlas mondial de la luminosité artificielle du ciel nocturne, révélant l'étendue de cette pollution.
De nombreuses images de la Terre prises de nuit par satellite rendent compte d'une progression de ce phénomène "d'année en année", souligne Olivier Las Vergnas, président de l'Association française d'astronomie (AFA).
Au niveau de la France, des cartes de la pollution lumineuse nous sont proposées par l'association AVEX.
Une telle représentation des activités terrestres nous permet de constater qu'il existe quatre types de sources lumineuses :
les lumières des grandes agglomérations urbaines des pays à forte industrialisation : Etats-unis, Europe, Japon, Taiwan...
les voies de communication qui concentrent les populations : delta et vallée du Nil, cours du Fleuve Jaune en Chine, chemin de fer du transsibérien...
les feux de forêts qui témoignent à la fois des catastrophes écologiques mais surtout des cultures itinérantes sur brûlis
les torchères qui brûlent sans relâche une partie du gaz qui ne peut être exploité pour l'extraction du pétrole. Cette source est sans doute la plus intense.
En France, seul un petit triangle dans le Quercy et une portion de la Corse ne sont pas encore envahis par nos lumières. Il est ainsi devenu indispensable pour les observations astronomiques de s'isoler loin des habitations et en altitude. Car même dans les petits bourgs, on s'acharne à déployer de plus en plus un éclairage pas forcèment voulu par les habitants et de surcroît souvent mal adapté...
> Quelques mesures timides...
A l'étranger, dans plusieurs régions d'Italie et de République tchèque notamment, des textes ont été adoptés en faveur d'une réduction de la pollution lumineuse, comme c'est le cas de Tucson en Arizona qui a renouvelé la quasi-totalité de son éclairage. (AFA, 08/2005). Pour l'AFA, Les marges de manoeuvre se situent actuellement en France à l'échelle locale. En 2006, elle veut ainsi "essayer de s'appuyer sur les conseils municipaux et départementaux de jeunes" afin d'obtenir des initiatives et faire en sorte que la réduction des nuisances lumineuses devienne un élément de qualité que des territoires pourraient ainsi promouvoir.
Au début des années 1990, des études sur l'aménagement urbain commencent à prendre en compte les nuisances et les dépenses liées à l'éclairage public. En 1999, 27% des collectivités territoriales françaises s'étaient dotées d'études en ce sens : Schémas Directeurs d'Aménagement Lumière (SDAL), Charte Lumière, Plan Lumière... Actuellement, plus d'un tiers des communes se sont engagées.
> HQE® et pollution lumineuse
La certification Haute Qualité Environnementale (HQE®), qui s'étend désormais aux maisons individuelles, pourrait être l'occasion de diminuer la puissance et la densité de l'éclairage de la voirie attenante. En effet, le constructeur est souvent sollicité dans la définition de l'aménagement de voirie, c'est pourquoi il doit être sensible à son impact. De plus, la première cible de la certification prévoit une relation harmonieuse des bâtiments avec leur environnement immédiat.
Selon Pierre Brunet, de l'Association Nationale pour la Protection du Ciel Nocturne (ANPCN), il importera dans un souci de minimisation d'impact, d'adopter pour la voirie comme pour les abords, des lampadaires qui n'émettent pas vers le haut, de réduire leur nombre par rapport aux pratiques actuelles, de viser la valeur cible de 5MWh/km/an (Cité de l'Energie – European Energy Award), et de considérer l'extinction et/ou la réduction de puissance en milieu de nuit.
> Le projet européen Greenlight
Le projet GreenLight a été lancé le 7 février 2000 par la Direction Générale de l'Energie et des Transports (DG TREN) de la Commission Européenne pour promouvoir des systèmes d'éclairage performant dans les locaux du secteur tertiaire et les espaces extérieurs.
Le programme GreenLight est une action volontaire pour préserver l'environnement qui encourage les consommateurs d'électricité du secteur non-résidentiel (publics et privés), référencés en tant que Partenaires, à s'engager auprès de la Commission Européenne sur l'installation des technologies d'éclairage à rendement optimum dans leurs équipements quand le choix technologique est économiquement rentable, et la qualité de l'éclairage maintenue ou améliorée.
A ce jour, le projet a gagné la confiance de centaines de partenaires et d'adhérents dans toute l'Europe.
> Conclusion
La nature reprend ses droits...
© notre-planete.info
Force est de constater que la grande ville demeure de plus en plus un environnement artificiel où même les étoiles sont difficilement perceptibles à cause de sources lumineuses bien trop nombreuses, parfois inutiles et souvent mal conçues...
Dans ces conditions, il est facile de comprendre pourquoi les observatoires sont installés dans des zones désertiques loin de toutes perturbations atmosphériques liées aux activités humaines.
De plus, les effets supposés de la lumière artificielle sur notre santé sont assez préoccupants bien qu'encore peu relatés et confirmés.
Ainsi, le citadin qui oubli et ne comprend plus la "nature" se trouve de surcroît dans l'incapacité d'observer le ciel et ses étoiles qui ont pourtant fait rêver d'innombrables civilisations et portent de plus en plus l'espoir de l'humanité.
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